Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Pour que le cheval soit accessible à tous

Pour que le cheval soit accessible à tous

CALI est une association regroupant des professionnels du médico-social, du milieu équestre, des cavaliers, des parents et toute personne intéressé par les activités associant le cheval, l'équitation adaptée ou équithérapie. L'association a pour objectif : - d'organiser des manifestations, concours pour les cavaliers en situation de handicap - d'informer les parents, cavaliers ou institutions sur les structures accueillant le public en situation de handicap - de former les personnes accompagnantes lors d'activités équestres.


L'AWARENESS ET L'ÉQUITHÉRAPIE

Publié par RAMAUGE Carine sur 16 Mars 2014, 19:13pm

Catégories : #Articles récents

 

Dossier réalisé dans le cadre d'un Master 1 de Psychologie


 

L'AWARENESS ET L'ÉQUITHÉRAPIE

Ce texte porte sur la notion d'awareness en lien avec l'équithérapie. Après quelques notions théoriques, je présenterais une mise en situation que nous avons réalisé pour expérimenter ce lien. Nous avons décidé de nous pencher sur cette notion et de la concrétiser par la mise en lien avec des éléments pratiques. Nous illustrerons cette notion en décrivant la situation que nous avons mise en place et en mettant en lien cette pratique avec le cheval et la théorie.

L'awareness correspond au fait d'être conscient de ce qui se passe dans l'ici et maintenant en interaction avec l'environnement. Ce concept de la Gestalt-thérapie nous a semblé intéressant dans le rapport avec l'animal, et plus particulièrement la thérapie avec le cheval. Selon Fourure (2004), « l'awareness est un état d’ouverture et de disponibilité me permettant de ressentir le contact avec moi-même et le contact avec mon environnement ». Être aware donne des indications très claires sur les ressources actuelles du patient. C'est aussi « être présent dans sa présence et être conscient de tout mouvement de la pensée ou d’émotions qui nous sortent du moment présent » (Citrin, 2004) et ainsi tout lâcher et faire confiance au « sens d'auto-régulation » (Chappuis, 2004). Perls (2003) considère également que l'awareness ne peut se faire qu'au présent et amène le sujet à s'ouvrir et à voir qu'il existe d'autres choix, d'autres manières de voir les choses et différentes façons d'agir. « La conscience doit être dirigée vers l'action, le mouvement, la créativité, la connaissance, la compassion, le discernement, et l'éveil » (Chrétien, 2004).

 

Lechevalestainsiutiliséàdesfinsthérapeutiquesdepuisenvironcinquanteansetl'originedelathérapieéquestreremonteà1960. Comme le rapporte Aubard (2007), Hippocrate avait déjà perçu les bienfaits du cheval « en soulignant que la pratique de l'équitation empêche aux muscles de perdre leur tonus et l'adaptation aux différents rythmes du cheval était extrêmement bénéfique ». Xénophon (au IVe siècle avant J-C) en reconnaissait déjà les vertus thérapeutiques en disant que « le cheval est un bon maître, non seulement pour le corps mais aussi pour l'esprit et pour le cœur ». La terminologie utilisée reste encore très diverses mais pour faire simple, nous parlerons d'équithérapie. Cela regroupe des activités équestres s'adressant à des personnes atteintes de handicap moteur, de handicaps sensoriels, de maladies mentales, de handicaps mentaux, de maladies ou inadaptations sociales diverses, susceptibles de pouvoir agir auprès du cheval. Les effets thérapeutiques peuvent être de quatre ordres : en matière de relation (communication, valorisation, confiance en soi, maîtrise de soi, vigilance et attention), de psychomotricité (amélioration du tonus, de la tenue, de la perception du schéma corporel, du repérage dans le temps et l'espace), d'apprentissages (avec des actes concrets en lien avec les chevaux) et en matière de socialisation (rapport aux autres, intégration au sein d'un groupe). En effet, le cheval peut être utilisé pour palier aux difficultés relationnelles, dans l'idée de se lier à l'animal avant de pouvoir se lier aux personnes. Le sujet doit « investir son corps comme intermédiaire entre le soi et le monde pour pouvoir être en relation avec l'autre » (Mermet, 2012).

Commel'expliqueAubard(2007), enmilieusauvage, lasurvie deschevauxdépend deleursensibilitéextrême àdétecter« lamoindrevariationdans leurenvironnementet laplus fineréactionchez leurscongénères ».Ilscalculentlesémotionsdes autresen continuepour savoirs'ilsdoiventfuir oufaireconfiance.Ils viventau présentet sontainsi dans« unétatd'awarenessvaste etindifférencié »,elle parle« d'awarenessaléatoire ». Grâceà cettefaculténaturelle,le chevalperçoitl'incongruenceentre lesactions etlessentimentsdespersonnes.Face àunepersonnequi souritalorsqu'elle neva pasbien, lechevaln'est pasà l'aise,il sesentmenacé. Ilva sedétendrelorsqu'ilse rendracompte desémotions« dontellen'étaitpas aware,lorsque lemasquetombe »(Aubard,2007). Cetauteurmontreainsi que« leschevauxsentent cequi sepasse dansnotreventre,dans notrecœur, ennous ».

Illustration

Afin de rendre compte du lien entre l'awareness et l'équithérapie, nous avons choisi de nous mettre nous-mêmes en situation pour vivre cette expérience. Pour plus de simplicité, nous parlerons de la personne s'essayant au rôle de guide comme du thérapeute et des deux autres personnes comme des« clients »oucavalière (en fonction des situations).

Une fois le poney attaché, chacune des clientes a brossé un côté du cheval. Le thérapeute demandait, pendant ce temps, de se centrer sur les émotions et sentiments ressentis au moment présent, avec la possibilité de partager ou non leurs impressions. Ensuite, nous sommes allées dans la carrière (espace de travail). Une cliente a marché avec le cheval pour instaurer la relation, et appréhender le cheval en mouvement. Quand elle s'est sentie prête, elle est montée à cheval puis a tenté de trouver la position qui lui semblait la plus confortable, agréable et sécurisante. Le thérapeute tenait le cheval face à lui, et accompagnait la cliente par ses paroles. Il a ensuite invité la cavalière à tenter de se détendre, de fermer les yeux et de laisser venir à elle toutes les émotions ressenties. Présente dans l'ici et maintenant, sensible à ce qui l'entoure et à ce que la situation provoque à l'intérieur d'elle. Le thérapeute l'oriente ensuite vers sa respiration et,ilva la sensibiliser à la respiration du cheval. Alors, il va lui proposer de s'ouvrir à tous ses sens.Puis, enpartantdesesorteils pour arriver jusqu'à ses doigts, il va inviter la cliente à se représenter chaque partie de son corps, en ressentant ce qu'il se passe au contact du cheval. Le thérapeute va proposer de se représenter l'environnement qui les entoure et une fois que la cliente se sent prête et qu'elle le désire, elle pourra ouvrir les yeux.

Le thérapeute propose ensuite un autre exercice : faire marcher le poney au pas, en restant dans la même attitude d'awareness. La cavalière est ainsi invitée à percevoir ce que la mise en mouvement du poney provoque en elle. Tout en essayant de se détendre, elle va accueillir les émotions et sensations qui lui parviennent. Le thérapeute accompagne la cavalière à prendre conscience de sa respiration, son ressenti au moment présent. Pour finir, à l'arrêt, le thérapeute invite la cavalière à s'allonger sur le dos du cheval. L'incitant à prendre conscience de toutes les émotions qui la traverse, il lui propose de simplement profiter de l'instant présent et de la sensation de plénitude apportée. Le temps nécessaire est laissé à la cavalière jusqu'à ce qu'elle mette pieds à terre. Nous recommençons avec la deuxième cliente. Le thérapeute, verbalisant en continu, a un rôle contenant, sécurisant et de guide proposant des directions pour ouvrir le client à tous ses sens. Attentif aux différents acteurs du réseau, il peut décider d'écourter un exercice s'il voit des signes qui indiquent une position inconfortable pour n'importe qui (le client à terre, le cheval, la cavalière ou bien lui-même). Avant de partir, le thérapeute, Carine, a recueilli les impressions des deux clientes, Cyrielle et Sandrine.


 

Les clientes se sont finalement retrouvées plus impressionnées que ce qu'elles pensaient face au cheval. Nous avons donc pris du temps pour qu'elles puissent entrer en relation avec lui, se relâcher et faire confiance autant au thérapeute qu'au cheval. La position du thérapeute est en effet importante car, en plus de guider la cavalière, il doit rester neutre et ne pas intervenir dans ce qui se passe entre la cliente et le cheval, par le biais de ses émotions. Il doit être conscient, présent à la situation et attentif. Son rôle a été bénéfique dans notre situation, particulièrement pour Cyrielle qui s'est beaucoup reposée sur lui, pendue à ses mots et accrochée à son regard. Au terme de la séance, lors du temps de consciousness, Cyrielle a dit : « heureusement que c'est toi qui tenais les rênes car tu as de l'expérience au niveau des chevaux du coup ça m'a détendue». En effet, de part sa connaissance des chevaux, Carine a pu apporter des éléments explicatifs aux différents comportements du cheval et ainsi rassurer les clientes. De plus, elle a prouvé que, c'est par la détermination que l'on pouvait agir sur le cheval, et non par la force comme les clientes ont pu le constater par elles-même.

Rapidement, elles ont pu exprimer la frustration vécue dans ces circonstances d'impuissance ("il est incontrôlable" dixit Cyrielle), leurs craintes ainsi que les émotions qui les traversaient. Malgré ces sentiments, les clientes n'ont pas pu s'empêcher de vouloir étreindre le cheval et de le caresser. On peut ici faire un lien avec le concept de handling de Winnicot (in Aubard, 2007), Cyrielle a dit «j'avais juste envie de le prendre, de lui faire des câlins » et Sandrine a fait un rapprochement avec son « oreiller ». Malgré cette ambivalence, leurs têtes sur son dos, elles ont pu profiter de toutes les sensations qui leurs parvenaient, de part la douceur et la chaleur au contact des poils du cheval, mais aussi en écoutant les bruits de son ventre, en sentant les odeurs et en percevant le mouvement de sa respiration. Les deux clientes étaient donc dans une attitude d'ouverture, à la pointe de l'éveil et pouvaient s'étonner de tout ce qui venait à elles. Auprès du cheval, le contact avec l'environnement se fait presque instinctivement car comme nous l'avons vu en théorie, de par sa taille et sa force, il mobilise nos sens. Nous sommes attentifs à ses mouvements et nous avons tendance à suivre son regard pour comprendre ce qui l'intéresse par exemple. Cyrielle s'étonnait souvent de constater que le cheval la regardait beaucoup et cherchait le face à face. Ainsi, de part cette conscience immédiate et implicite du champ, nous sommes ouvertes aux perceptions et sensations qui nous entourent.

Tout d'abord, les clientes ont pris conscience de leurs corps dans les moindres détails. Cyrielle s'est souvenue : « je me concentrais sur tous les détails, j'ouvrais tous mes sens, j'étais aware ». Durant la « lecture du corps » elles ont aussi exprimé : « quand tu parlais de mes orteils, je les sentais partir, s'alourdir, j'essayais de m'imaginer à l'intérieur comment je le ressens, et de l'extérieur comment ça faisait» (dixit Cyrielle) et Sandrine a rajouté qu'elle avait pris conscience de tout ce qui était en elle. Cyrielle précise qu'elle sentait un «maximum des parties de son corps toucher le corps du cheval et ressentait qu'elle était en harmonie avec lui ». Elles ont donc pu prendre conscience, au contact de l'animal, de diverses sensations. L'expérience qui leur a semblé la plus perturbante mais aussi la plus fascinante, a eu lieu lorsqu'elles se sont réellement détendues. Suite à une profonde inspiration, elles ont senti que le cheval pouvait pousser un profond soupir à son tour. Cela renvoie à sa fonction de miroir dans le sens où il a perçu la congruence et l'authenticité des comportements et émotions des clientes qui avaient laissé tomber leurs masques. Lors de l'expérience en position allongée, Sandrine a même entendu et ressenti les viscères du cheval (borborygmes). Elle a pu vivre un moment de plénitude qui lui rappelait la sensation éprouvée dans l'eau (en "étoile" dans la mer), avec « l'impression de ne faire plus qu'un avec le cheval ». Elle est ainsi pleinement rentrée en relation avec cette puissance (en référence à Delapalme, 2008). Par ailleurs, durant la mise en mouvement, Cyrielle a reconnu une sensation de bercement de part le balancement provoqué par le pas du cheval. Ceci fait référence au concept de «holding» de Winnicott.

Grâce à un ancrage lié au souffle (Delapalme, 2008), Cyrielle et Sandrine ont pu ouvrir tous leurs sens vers l'environnement et être ainsi sensibles (aware) à tout ce qui les entouraient. Elles se sont d'ailleurs rendues compte qu'elles prêtaient attention à des bruits qu'elles ne percevaient pas forcément avant, comme si leur ouïe était décuplée. Voulant reproduire cette expérience ultérieurement à son domicile, Cyrielle s'est sentie submergée par des bruits envahissant et vécu un moment désagréable. Elle prit ainsi conscience de l'importance du cadre sécurisant et contenant du thérapeute. De part ses paroles, il guide, oriente et rassure le client afin d'éviter qu'il ne se sente oppressé et débordé par ce flux d'informations. On peut donc souligner le risque pour un novice de pratiquer ce genre d'exercice seul.

De plus, durant notre mise en situation, nous avons pu faire des liens entre ce que nous avons vécu et les quatre registres mis en évidence par Chappuis (2004). En effet, concernant le registre sensoriel, Cyrielle a éprouvé une sensation étrange de « chaleur qui monte » au moment de la lecture du corps et particulièrement au niveau de la nuque. Sandrine, quant à elle, a eu des difficultés pour se concentrer ayant des allergies importantes qui la démangeaient. En ce qui concerne le registre émotivo-affectif, au terme de la séance, nous avons constaté une importante évolution dans l'attitude des deux clientes au contact du cheval. Elles ont pu passer d'une appréhension certaine à un état de détente absolue grâce à une mise en confiance progressive. A la fin de cette expérience, elles ont eu envie de caresser le cheval et de le remercier pour ce moment partagé.

Par ailleurs, d'un point de vue cognitif, les clientes ont d'elles-mêmes associé leur attitude à celle du cheval. Cyrielle a émis l'hypothèse que c'est parce qu'elle était physiquement tendue que le cheval bougeait. Aussi, Sandrine remarque que l'effet inverse peut être vrai : c'est en s'apaisant que le cheval peut lui aussi se détendre. Dans un état presque hypnotique, elle n'avait même plus l'impression d'être sur le cheval, elle était « ailleurs ». Cyrielle quant à elle, le voyait comme incontrôlable et aventurier alors que, d'un point de vue extérieur, il était relativement calme. Ce n'est qu'au terme de la séance, lors du moment de consciousness, que Cyrielle a pu expliquer ce discours défensif par ses difficultés à contrôler le cheval et le fait qu'elle se soit sentie impuissante et frustrée. Les clientes ont donc appris à leurs dépens que c'est davantage par la détermination et l'affirmation de soi qu'elles ont pu arriver à leurs fins. De plus, cette expérience d'awareness leur a permis de faire abstraction des choses qui les préoccupaient tels que la pression liée au Master 1. Elles ont ainsi pu profiter de ce moment dans l'ici et maintenant sans se soucier des tracas de la vie quotidienne.

Dans le registre moteur, Cyrielle a constaté une évolution importante concernant son corps entre le début et la fin de la séance. Ces membres se sont relâchés, sa vigilance a diminué et elle a pu passer d'un état de tension absolu à un état de relâchement total. A tel point que, dans un premier temps elle cherchait des moyens de se tenir, cramponnée à tout ce qu'elle pouvait. Par la suite, elle pouvait s'exprimer avec de grands gestes, sans se tenir, sur le cheval en mouvement. Sandrine ressentait le besoin de sans cesse caresser le cheval et, lors de la lecture du corps, de bouger chaque partie du corps concernée pour les sentir et en être consciente. De part des expériences différentes auprès des chevaux, chacune a vécu les choses différemment, en fonction de soi, des émotions, perceptions, et sentiments qu'elles pouvaient éprouver.

Pour conclure, nous reprendrons les expériences de Cyrielle et Sandrine d'un point de vue général. Cyrielle n'avait vécu que deux expériences auprès des chevaux, qui furent désagréables. De ce fait, son comportement lors de cette mise en situation a été influencé par ces événements et elle appréhendait le contact auprès du cheval. Cette appréhension a été renforcée par l'attitude agitée du cheval ce qui ne l'a pas aidée à se détendre au début. Grâce à la confiance qu'elle avait envers le thérapeute, elle écouta attentivement ses paroles et put s'en saisir pour entrer en contact avec le cheval. Elle est toutefois restée très dépendante vis à vis du thérapeute tout au long de la séance, le sollicitant par des questions ou des regards à la recherche de soutien ou de réassurance. Elle réussit tout de même à profiter pleinement de l'instant présent et pu reconsidérer ses craintes comme non généralisable à tous les chevaux.

Sandrine, ayant plus l'habitude de côtoyer des chevaux, ne perçut pas l'expérience de la même façon. Parasitée par son allergie, elle a eu du mal à se concentrer et à faire abstraction de ses sensations désagréables pour profiter du moment. Le rôle du thérapeute fut moindre dans son cas même si elle est restée attentive à ses conseils. Voyant l'agitation du cheval avec Cyrielle, elle n'était malgré tout "pas fière" quand son tour est arrivé. Cependant, elle a pu tirer profit de l'expérience et s'ouvrir aux sensations et émotions positives qui la traversaient.

Les clientes retiennent que ce fut une expérience nouvelle, agréable, qu'elles aimeraient reproduire dans le but de se recentrer, de vivre un instant privilégié dans l'ici et maintenant, loin des difficultés quotidiennes. Grâce à l'awareness et au cheval, les clientes ont pu passer d'un sentiment de peur à un sentiment de confiance et d'une attitude tendue à un apaisement corporel. Toutefois, comme nous l'avons déjà mentionné, un cadre contenant et sécurisant est nécessaire pour la bonne pratique de cette technique psychothérapeutique.

Nous nous sommes donc interrogées sur les conditions qui seraient nécessaires à la bonne reproduction d'un tel exercice chez soi, sans conséquences négatives et sans l'appui d'un tiers?

Carine RAMAUGE

L'AWARENESS ET L'ÉQUITHÉRAPIE
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents